Kerstin Neumüller à propos des choses à faire soi-même

Les réparations ont toujours fait partie intégrante du langage du denim. Elles prolongent la durée de vie d'un vêtement qu'on adore tout en ajoutant une touche personnelle au tissu existant, en transformant les déchirures, les accrocs et l'usure en créations uniques. Autrefois nécessaire, l'art de raccommoder est aujourd'hui un choix conscient et ludique, qui peut procurer un sentiment d'autonomie et une beauté nouvelle.

« De nos jours, la plupart des gens n'ont pas besoin de réparer leurs vêtements. Il leur suffit d'en acheter d'autres. Mais si vous investissez dans des vêtements qui vous procurent un sentiment de confort, de confiance et de bien-être, cela vous incite à en prendre soin pour les porter le plus longtemps possible », explique Kerstin Neumüller, couturière pour hommes, professeure d'artisanat et auteure de plusieurs ouvrages sur l'artisanat textile.

« Vous remarquerez également que, au lieu de s'abîmer, les vêtements confectionnés avec des matières authentiques s'embellissent avec le temps. Ces pièces, auxquelles on finit par s'attacher, méritent d'être conservées. Le fait de réparer nous-mêmes nos vêtements renforce la relation que nous entretenons avec eux et peut même leur donner un nouveau sens. Mais je pense que cela va au-delà des simples vêtements : il s'agit de nous affirmer et de nous prouver que nous pouvons changer et influencer notre environnement, que nous avons des compétences et que nous savons prendre soin de nous et résoudre les problèmes sans nous tourner vers la consommation. On nous a appris à payer quelqu'un d'autre pour qu'il trouve des solutions à notre place. Mais se dire "Je peux le faire moi-même" est un premier pas dans la direction opposée. »

Parfois, bien sûr, le raccommodage peut également servir à réparer un vêtement usé ou abîmé afin de continuer à le porter. Pour réparer un trou sur le pantalon que nous utilisons pour couper du bois, il suffit de coller un patch pour qu'il tienne une saison de plus – il n'y a rien de plus simple. C'est pourquoi les patchworks et les réparations sommaires font partie intégrante du langage du denim, à l'opposé des pulls en cachemire raffinés ou des chemises habillées. Pratique et informel, le jean est un vêtement de travail qui se prête très bien aux raccommodages. Si vous demandez à votre mère de vous raccommoder une robe de soirée, elle refusera probablement. Mais un jean ? Aucun souci.

Aujourd'hui encore, le denim reste associé à la culture jeune et à la mode décontractée. Les valeurs « fait maison » du mouvement hippie sont toujours présentes, et les décolorations et les signes d'usure font partie du charme du denim. Il faut porter un jean longtemps pour qu'il développe ses nuances caractéristiques. Et c'est justement quand il affiche sa plus belle allure et qu'il offre un confort optimal qu'il commence à se dégrader. Les vêtements en jean sont parmi les rares pièces à pouvoir être portées jusqu'à ce niveau d'usure, c'est pourquoi il est naturel de devoir les réparer.

« L'influence d'anciennes techniques japonaises comme le boro et le sashiko a certainement contribué à raviver l'intérêt pour le raccommodage visuel ces dernières années. La culture japonaise trouve un écho dans notre quête d'authenticité et de racines. J'espère également que des traditions de raccommodage similaires issues d'autres cultures, comme les tissus kantha indiens, gagneront en popularité à mesure que cette tendance se développe », déclare Kerstin Neumüller, dont le dernier livre, coécrit avec l'artiste suédo-japonais Takao Momiyama, est consacré au raccommodage sashiko.

« Le raccommodage visible attire par son esthétique ludique, c'est là que réside une grande partie de son charme. Nous sommes nombreux à avoir eu un professeur de couture très strict qui martelait que tout devait être parfait, avec l'envers aussi soigné que l'endroit. Cette pression pouvait suffire à nous décourager. Mais le raccommodage visuel, plus souple et plus accessible, est à l'opposé : tout est permis et tout le monde peut essayer. Il insuffle une énergie positive et ludique à l'artisanat, rendant la création accessible à tous, même aux débutants. Il suffit d'avoir du fil, une aiguille et un joli tissu pour transformer vos points en broderies. Cette approche libère la créativité et la fantaisie. »

Au fil du temps, le raccommodage peut éveiller une curiosité plus large. Une réparation simple peut ouvrir la voie à de nouvelles compétences, et la question ne se limite plus à « Puis-je réparer cela ? », mais devient « Que puis-je faire d'autre ? ». Tous les projets n'ont pas besoin de donner lieu à une expression de mode audacieuse. Parfois les réparations s'affichent fièrement, parfois elles restent pratiques et discrètes ; mais chaque raccommodage nous invite à adopter un mode de vie plus pratique et autonome.

« L'idée que nous puissions contribuer à sauver la planète en réparant nous-mêmes nos vêtements peut paraître absurde. Mais si notre génération commence à changer de comportement et à réaliser que nous en sommes capables – capables de cuisiner, de réparer une voiture ou de raccommoder nos vêtements –, nous pouvons transmettre ces compétences et cette volonté à nos enfants. Peut-être que cela représente un mouvement bien plus puissant qu'on ne le pense. Il s'agit d'inculquer un sentiment de compétence et de confiance en soi. Peut-être que ce qui compte vraiment, ce n'est pas de maîtriser la grammaire à la perfection, par exemple, mais d'avoir envie d'explorer l'univers fascinant des langues. »